Après les violences subies par de jeunes noirs au PUNK de Lausanne, Chancel Soki partage son analyse de la situation
Photos: le_chilube (instagram), A qui le tour ?, MIA
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A qui le tour ? – Association
Instagram et Facebook
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Suite aux incidents de violences au PUNK à Lausanne, Chancel Soki, président de l’association “À Qui le Tour”, éclaire les tensions raciales et le traitement des Africains dans les boîtes de nuit. Défenseur des droits de sa communauté, il dénonce des pratiques discriminatoires et appelle à une prise de conscience collective pour garantir le respect et l’inclusivité.
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C’est avec surprise et consternation que le grand public découvre sur les réseaux sociaux des images d’une rare violence envers un jeune homme africain, battu par une dizaine de personnes. Ces images ont suscité de la colère, de la tristesse, de la compassion et, surtout, de l’incompréhension. Cette vidéo décrit une scène qui semble inhabituelle en Suisse romande, et plus particulièrement dans une grande ville comme Lausanne. En tant que média, il nous a fallu prendre du recul et tenter de comprendre ce qui se passe, avant de céder à des conclusions hâtives. Nous ne prétendons pas tout savoir ni tout comprendre, et c’est la raison pour laquelle il est important de s’adresser aux personnes les plus à même de nous expliquer la situation. Les médias de la région ont décrit les faits avec neutralité, en prenant soin de ne pas attiser les tensions, ce que nous nous efforcerons également de faire. Toutefois, il s’agit ici de donner la parole à des personnes qui, par leur contact direct avec les victimes, sont en mesure d’apporter des éclaircissements et des analyses de la situation.
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Chancel Soki : Un Défenseur Actif de la Communauté Africaine en Suisse
La personne qui correspond à ce profil et que nous suivons depuis quelques années est Chancel Soki. Travailleur social passionné, il a une trentaine d’années et est originaire de la République démocratique du Congo. C’est un ardent défenseur de la communauté africaine en Suisse. Parmi tous les activistes afro-descendants en Suisse, M. Soki se distingue par sa compréhension de cette génération et de cette jeunesse, qui lui fait confiance et le consulte régulièrement. Il bénéficie d’une vue d’ensemble sur la région romande et dispose d’une écoute privilégiée auprès des personnes influentes dans les institutions de la région. Il était donc l’interlocuteur idéal pour nous aider à mieux comprendre et saisir les subtilités et la complexité de ces événements.
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Note de la Rédaction
Les propos exprimés dans cet entretien reflètent les opinions personnelles et les réflexions de Chancel Soki. Ce témoignage vise à apporter un éclairage unique et subjectif sur les tensions communautaires en Suisse romande, encourageant le dialogue et la compréhension mutuelle. Chancel Soki souhaite avant tout éviter la violence et promouvoir des solutions réfléchies pour bâtir une société plus inclusive et respectueuse.
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1.
Le Rôle de Chancel Soki et Son Engagement dans la Communauté
Dans la vidéo que tu as postée dans la nuit de lundi à mardi, tu délivres un message clair. Tu n’attises pas les tensions. Tu partages ta réflexion avec ceux qui te suivent. Pourrais-tu nous dire, d’abord, qui tu es ? Pourquoi semble-t-il approprié de te consulter, toi en particulier, dans cette situation ?
Chancel Soki : Bonjour, je suis Chancel Soki, président de l’association “À qui le tour”. Il faut savoir que c’est une association qui existe depuis 2016. Nous avons combattu le racisme depuis cette date. Cela fait presque neuf ans que nous sommes actifs sur ce sujet. C’est un combat. Je pense qu’il est approprié que ce soit une personne comme moi, engagée 365 jours par an, qui prenne la parole. Pas pour des likes, pas pour de la célébrité, mais pour le bien et l’élévation de notre communauté. Mon travail aujourd’hui est légitime et commence à porter ses fruits, et c’est pour cela que l’on se tourne vers moi lorsque surgissent ces problématiques. Mon expérience de neuf ans m’a permis de développer une expertise qui me permet d’amener des réponses appropriées aux problèmes liés à ma communauté.
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2.
Relation avec les Victimes et Mission Personnelle
Lors de notre rencontre, tu as reçu un coup de téléphone. Il s’agissait d’une des victimes de cette agression. Je t’ai entendu conseiller les jeunes frères, leur demandant de rester calmes, leur disant clairement “je m’en occupe”, “je vais leur parler”. Tu es encore jeune, mais tu sembles habité par une mission. Tu parles à ces jeunes dans un langage qu’ils comprennent, et ils te font confiance. Peux-tu nous en dire plus ?
Chancel Soki : J’ai été ces jeunes frères. J’ai ressenti cette colère. En réalité, ma force vient du fait que j’ai affronté mes propres démons : je suis allé dans l’obscurité, j’ai combattu la haine, et je l’ai surmontée. Vaincre la haine signifie être capable de la combattre. Aujourd’hui, je ne suis pas militant pour me soigner moi-même, mais pour guérir les autres. Mon action n’est pas là pour satisfaire les égos ou pour faire plaisir. Je suis là pour donner des réponses appropriées. C’est parce que j’aime inconditionnellement les miens que, petit à petit, ils commencent à me faire confiance. Cet amour, lorsqu’on le donne sincèrement, finit par porter ses fruits. Quand je leur dis que je les comprends, ils me croient. Mais aujourd’hui, je vois plus loin que ce qu’ils ressentent ; je pense à leur avenir, comme un grand frère, ou pour certains, comme un père. Parfois, ils n’ont pas seulement besoin de s’exprimer, ils ont besoin de solutions pour se projeter, grandir et se développer. C’est ce qui me guide. Comme je le dis souvent, je suis envoyé. Le combat que je mène dépasse mon propre entendement, et je continuerai.
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3.
Un Réseau Étendu en Suisse Romande
Les gens font appel à toi, et pourtant ta dimension dépasse Fribourg : tu es présent dans toute la région romande. Peux-tu nous en dire plus sur ton réseau ?
Chancel Soki : Oui, nous sommes actifs en Suisse romande. Nous n’avons pas encore travaillé en Suisse alémanique, sans doute en raison de la barrière de la langue, mais pourquoi pas un jour. Nous sommes présents dans le canton de Vaud, à Genève, dans le Valais, et à Neuchâtel. Nous prenons effectivement de l’ampleur.
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4.
Retour sur les Événements : Ce Qui s’est Réellement Passé
On est donc face à une histoire assez surprenante, voire inédite en Suisse. Que s’est-il passé exactement ?
Chancel Soki : Tout a commencé dans une soirée au “PUNK”. Une fratrie de trois ou quatre frères y fêtait un événement. Une altercation a eu lieu avec des jeunes d’origine balkanique. La soirée a dégénéré, avec alcool, tension, testostérone et bagarre. Cela aurait dû s’arrêter là. Mais le problème s’est amplifié parce que ces jeunes, connus dans la boîte et habitués des lieux, sont protégés par leur proximité avec la sécurité, qui, d’après des sources, leur permet de se comporter en toute impunité. Il n’est pas rare qu’il soient mêlés à des bagarres comme la semaine qui a précédé cet incident. La sécurité a un devoir de neutralité envers tous les clients, mais j’estime que leur comportement repose sur des bases racistes : certains agents n’agissent pas de la même manière avec les noirs qu’avec les autres. Pour certains, frapper des noirs est devenu une habitude. Et cette histoire n’est qu’une illustration de ce que nous vivons depuis longtemps.
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5.
Message à la Communauté : Importance de l’Analyse et du Dialogue
Très bien, tu as décrit une ambiance avec tes mots et sans langue de bois. En tant que professionnel habitué à ces situations, quel message adresses-tu à ceux qui sont en colère, et à ceux qui, comme nous, cherchent à comprendre ?
Chancel Soki : Il faut analyser cette situation de manière sociologique. Il y a une similarité en ce qui concerne les relations entre la communauté africaine et la communauté albanaise en Suisse, et les communautés africaine et maghrébine en France. Ce sont des communautés qui cohabitent, mais au sein desquelles subsiste un racisme latent. Ces jeunes des Balkans, qui côtoient des noirs, les considèrent souvent comme inférieurs. Ils ne parlent jamais de leur propre racisme. Ils reconnaissent l’injustice qu’ils subissent, mais ignorent celle qu’ils infligent. Si l’on veut comprendre ce qui s’est passé, il faut considérer les dimensions historiques et sociologiques.
Je pointe cette communauté, car je n’aime pas l’hypocrisie. Soit nous travaillons ensemble pour une Suisse multiculturelle, soit nous restons divisés. Mes amis albanais se prononcent contre ces comportements. Il est temps que leurs leaders se mobilisent pour qu’on avance ensemble, car cette absence de réaction est la même que celle que l’on voit en France lorsqu’il y a des agressions envers les africains..
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6.
Encourager le Dialogue et Éviter la Violence
On t’a entendu calmer les jeunes et encourager le dialogue. Tu t’es engagé pour discuter avec les leaders de l’autre communauté. Pourquoi privilégier le dialogue ?
Chancel Soki : Je crois qu’il y a un temps pour tout. Aujourd’hui, je veux que ma communauté s’élève. Il est temps d’exceller ailleurs que dans la violence. Nous devons faire preuve d’intelligence. Le pouvoir n’est pas dans la force brute, mais dans la réponse réfléchie. Ce monde appartient aux intelligents, et c’est ce paradigme qu’il nous faut adopter. La violence n’est pas la solution. Comme dit l’adage : “Qui vit par l’épée périra par l’épée.”
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7.
Appel à des Sanctions et Respect Mutuel
Dans la vidéo que tu as postée, tu parles de sanctions ? Les personnes impliquées dans le tabassage en réunion sont des habitués de la boîte de nuit. Comment vois-tu les choses ?
Eh bien, c’est simple. Ce que nous dénonçons ici ne vient pas d’une réaction émotionnelle ; cela fait un moment que les choses se passent de cette manière. Aujourd’hui, nous avons simplement des images qui révèlent la situation. Les problèmes avec la sécurité et cette boîte de nuit ne datent pas d’hier. Voilà pourquoi, aujourd’hui, nous ne tolérerons plus que cet établissement nous manque de respect. Encore une fois, je le rappelle sans mâcher mes mots : sans nous, Le Punk ne peut pas exister. Le Punk vit grâce à notre culture, grâce à nos DJ, nos MC, notre musique, notre vibe, notre talent. Il dépend de notre argent, des bouteilles que nous consommons. Donc, à un moment donné, il faut que l’on commence à se respecter. C’est ce que j’ai dit dans ma vidéo, et je le répète encore : si nous voulons nous faire respecter, nous devons choisir avec soin où nous donnons notre argent.
À partir du moment où une boîte de nuit nous manque de respect et crée un climat tendu contre une communauté qui est à la base de son succès, il faut montrer notre désaccord. Le respect ne se gagne pas dans l’émotion ; il se pérennise. Pour le rendre durable, il faut des actions concrètes qui s’inscrivent dans le temps, et c’est là l’essentiel. Il est temps de mettre de côté l’ego et d’agir concrètement.
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8.
Clarification sur la Vidéo de l’Incident
Un point important pourrait permettre de désamorcer la situation : cette fameuse vidéo qui montre le tabassage est-elle actuelle ? Les faits sont-ils récents ?
Non, cette vidéo n’est pas récente. Elle date de plus de trois semaines. Du côté des victimes, il n’y a pas de désir de vengeance. Les jeunes hommes tabassés n’ont pas porté plainte, car ils savent que cela restait une bagarre comme une autre. Pour eux, le vrai problème se situe ailleurs : c’est leur relation avec l’établissement. Ils pensent qu’il n’est pas normal que, lors d’une bagarre, la sécurité prenne parti en utilisant du gaz contre eux uniquement. Ils sont retenus par la sécurité pour être battus plus facilement. Et même lorsqu’ils sont expulsés, ils se retrouvent dans un guet-apens. Quand la police arrive, elle ne prend que les noms des jeunes noirs, pas des autres. Ce sont ces comportements discriminatoires que les frères tabassés dénoncent.
Cela pointe également un problème dans le rapport à l’institution. Donc, voilà.
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Respect et Responsabilité : Pour Mieux Vivre Ensemble
Les tensions et les discriminations, ce ne sont pas juste des mots : ce sont des réalités que des personnes subissent chaque jour. Aujourd’hui, il est important de faire du respect de tous, y compris des clients noirs, une vraie priorité. Au-delà des intentions, il faut passer à des actions concrètes. Pour que chacun se sente en sécurité et respecté, il est essentiel que tout le monde prenne ses responsabilités. En avançant ensemble, un avenir plus serein devient possible, où chacun a sa place. La situation est clair, l’injustice est évidente. Quelle sera la réponse de la société, des autorités, des communautés ?