Sirage Mohamed Nur avait 43 ans. Originaire d’Érythrée, il était le père de trois enfants qu’il chérissait plus que tout. Le 23 août 2025, il a perdu la vie à Lausanne après avoir été frappé lors d’une altercation avec des employés du restaurant Le Vaudois. Si certains l’ont d’abord présenté comme un marginal, sa famille a vite rappelé qui il était vraiment : un homme digne, un fils, un père attentif. Sa mort tragique a bouleversé ses proches, mobilisé la communauté érythréenne et soulevé des appels à la justice.

Sirage Mohamed Nur

Un homme, un père, une vie

Pour ses enfants, Sirage Mohamed Nur n’était pas une victime de fait divers : il était un papa. À 43 ans, il les voyait grandir, les accompagnait à l’école, partageait leurs rires et leurs rêves. Ses proches rappellent qu’il ne vivait pas en marge, mais qu’il trouvait son équilibre dans les liens familiaux. « Ce n’était pas un marginal », ont-ils répété, blessés par cette étiquette injuste. Derrière ses fragilités, il y avait un homme comme tant d’autres, cherchant à se relever, à rester présent pour ses enfants.

Un portrait contesté — le poids des mots

Dans les premiers jours, certains ont choisi de le présenter comme un marginal. Sa famille a refusé de laisser cette version ternir sa mémoire. Oui, après son divorce, il traversait une période difficile, marquée par des habitudes qui traduisaient sa fragilité. Mais il n’était pas sans abri, ni coupé du monde. Il vivait chez sa mère, recevait son courrier, partageait les repas, riait et échangeait. Les mots comptent : réduire un homme à ses blessures, c’est effacer son humanité. Ses proches, eux, veulent que l’on retienne son sourire, son attachement et sa dignité.

La nuit du drame

Tout bascule dans la nuit du mardi 20 au mercredi 21 août 2025, peu après 2 heures du matin, sur la terrasse du café Le Vaudois à Lausanne. Une altercation éclate après la fermeture de l’établissement. Ce soir-là, tout a basculé en quelques secondes. Après une altercation verbale, la tension est montée jusqu’à la violence. Un coup porté au visage de Sirage l’a fait s’effondrer, inconscient, sur le sol de la terrasse. La brutalité du geste a marqué les témoins et bouleversé ses proches : c’est cette violence, soudaine et disproportionnée, qui l’a plongé dans un coma dont il ne s’est jamais relevé. Transporté d’urgence au CHUV, il est officiellement déclaré mort le samedi 23 août 2025. Trois jours se sont écoulés, mais pour sa famille, le temps s’est arrêté. Ses enfants perdent leur père, et une communauté entière se retrouve en deuil.

Lieu où il s’est écroulé en face du restaurant Le Vaudois

Deux drames en quelques jours

À Lausanne, deux tragédies se sont succédé en l’espace de 48 heures. Le 23 août, Sirage Mohamed Nur est décédé au CHUV après avoir été violemment frappé. Le lendemain, le 24 août, c’est Marvin, 17 ans, qui a perdu la vie dans le quartier de Prélaz à la suite d’une chute en scooter lors d’une course-poursuite avec la police. Deux histoires différentes, deux visages, mais une même ville sous le choc, confrontée à la douleur des familles et aux interrogations de toute une communauté.

Une mobilisation pour la justice

À l’annonce de sa mort, l’émotion est immense. Comment comprendre qu’un tel drame ait pu se produire, et que les responsabilités paraissent encore floues ? Quelques jours plus tard, une marche blanche rassemble près de 250 personnes dans les rues de Lausanne. Dans le silence ou à travers des larmes, ses amis et sa famille se tiennent la main. La femme de Sirage, effondrée, marche entourée de la communauté érythréenne. Les chants résonnent : « Justice pour Sirage ». Les bougies déposées devant Le Vaudois dessinent une lumière fragile, mais déterminée.

Une marche blanche pour sa mémoire

Ce vendredi-là, la ville a pris un autre visage. Depuis le carré musulman du cimetière des Bois-de-Vaux, environ 250 personnes – dont une cinquantaine issues de la communauté érythréenne – ont défilé, bougies et bouquets à la main, jusqu’au centre-ville. Sur des portraits de Sirage, on lisait le sourire d’un homme qu’on refuse d’oublier. Le cortège, silencieux, s’est arrêté devant le café Le Vaudois, fermé pour l’occasion : une minute de silence y a été observée avant de repartir vers la place de la Riponne, où il s’est dispersé moins d’une heure après. Humble et digne, ce rassemblement a illustré la douleur d’une famille et la détermination d’une communauté en quête de justice.

Une portée collective

Pour beaucoup, la mort de Sirage n’est pas seulement celle d’un homme : c’est le symbole d’une fracture plus profonde. Elle interroge la valeur accordée à chaque vie, l’égalité de traitement devant la justice et le regard porté sur les communautés afrodescendantes. La douleur de ses proches se mêle à une revendication collective : ne pas laisser ces tragédies être réduites à des faits divers.

Il s’appelait Sirage Mohamed Nur. Derrière ce nom, il y avait un père, un fils, un frère, un ami. Sa mort brutale a arraché un homme à sa famille, mais elle a aussi réveillé une ville et une communauté. Sirage n’est plus, mais son souvenir éclaire une exigence : que chaque vie, quelle qu’elle soit, compte pleinement dans notre société.